- La France et l’Europe : 70 ans d’ambivalence -

L’engagement de la France dans la construction européenne est paradoxal. D’un côté, la France est un pays promoteur de l’idée européenne, fondateur des premières communautés dans les années 1950 et présent à toutes les grandes étapes institutionnelles qui ont suivi jusqu’à l’euro. Des personnalités l’illustrent, comme Robert Schuman, Jean Monnet, Jacques Delors… De l’autre, la France est le pays où les controverses sur l’Europe ont été les plus vives, du rejet de la Communauté européenne de défense en 1954 à celui du Traité constitutionnel en 2005. L’importance du vote eurosceptique l’atteste jusqu’à aujourd’hui. Ce paradoxe implique de revenir sur les particularités de cet engagement européen dont l’ambivalence a pu générer tout à la fois espoirs et inquiétudes. Dès le départ, l’Europe a une fonction instrumentale pour la France, étant conçue comme 1° un multiplicateur de puissance (mais sans défaire la souveraineté) 2° un levier de modernisation économique (mais dans un espace protecteur) 3° un espace géopolitique de paix et de sécurité (mais avec une diplomatie indépendante). Depuis la fin de la guerre froide et les effets de la mondialisation, les contradictions ressortent en signant la fin de l’ « Europe à la française ». Longtemps fondée sur un consensus permissif, l’Europe est désormais source de clivages.

Biographie

Historien des idées et des questions de politique internationale, Bernard Bruneteau est professeur émérite de science politique à l’université Rennes 1. Il a récemment publié Combattre l’Europe. De Lénine à Marine Le Pen (CNRS Editions, 2018), Génocides. Usages et mésusages d’un concept (CNRS Editions, 2019), Le bonheur totalitaire. La Russie stalinienne et l’Allemagne hitlérienne en miroir (Cerf, 2022).