- La dictature du général Franco : vertus et leçons du renoncement -
Les questions que pose la dictature du général Franco sont innombrables et toutes n’ont pas encore trouvé de réponse. Il en est une, néanmoins, qui permet une réponse, et qui concerne sa longévité. Après une prise du pouvoir qu’il nous faudra évoquer et la conduite d’une féroce guerre civile, Francisco Franco créa de toutes pièces un régime personnel dès 1936 et le dirigea d’une main de fer jusqu’à sa mort en 1975. Mais à quel prix ? À l’occasion de cette conférence, nous nous proposons de démontrer que le prix à payer pour que le dictateur pût régner jusqu’à sa mort fut, paradoxalement, si l’on s’en tient à la violence et à l’apparente immobilité du régime, celui de l’évolution, mais une évolution fondée sur le renoncement aux principes fondateurs pourtant annoncés à sons de trompe depuis les tranchées de la guerre civile et répétées à l’envi une fois la victoire acquise. La dictature franquiste de 1975 n’est en effet plus celle de 1936 ou de 1939, malgré la présence immuable du dictateur à sa tête et l’existence d’un cadre légal rédigé jour après jour au gré des besoins.
Pour conduire cette démonstration, nous nous proposons de revenir sur la prise du pouvoir par Franco, consubstantielle à la formation de son régime, mais surtout sur certains aspects de la vie politique, économique et sociale de l’Espagne de ce temps. Nous verrons que les grandes envolées lyriques et saturées d’idéologie des premiers temps ont laissé la place à une gestion plus pragmatique et plus rationnelle de l’État, laissant derrière elle un faisceau de contradictions qui ne cessent encore d’étonner l’observateur d’aujourd’hui, et qui font du général Franco un as du cours terme, certes, mais aussi un expert de la manipulation et de la réécriture constante du récit national.
Biographie
Professeur émérite de civilisation de l’Espagne contemporaine, Université Rennes 2.